samedi 14 juillet 2012

Quand on a accès au savoir, que faut-il en faire ? par Martin Winckler

Je ne me lasse pas de relire la dernière chronique de Martin Winckler, diffusée sur l’antenne de France Inter en juillet 2003. 
La parabole du rabbin sur le libre accès à la connaissance explique tout l'engagement de l'auteur, et illustre parfaitement la démarche du "libre".
Les autres chroniques d'Odyssée sont toujours consultables sur le Martin Winckler Webzine.


Dans un ghetto, il y a longtemps, le rabbin va voir la guérisseuse et lui dit : « J’ai besoin d’une potion pour soulager mes rhumatismes. »
La guérisseuse écrit quelques lignes sur un morceau de papier ; le rabbin la lit, il hoche la tête et dit : « Il y a des ingrédients qui ne sont pas kasher, là-dedans. J’ai besoin d’une potion que je puisse prendre le jour du shabbat. »
La guérisseuse lui répond : « Non, ça je ne peux pas te le donner. C’est interdit. »
Le rabbin insiste : « Mais moi, le jour du shabbat, je fais l’office, je m’occupe des malades et des mourants, je ne le ferai pas bien si je souffre. Donne-moi la formule d’une potion que je puisse prendre ce jour-là sans offenser Dieu. »
Et, comme il insiste, la guérisseuse lui dit : « D’accord, mais tu dois me jurer devant Dieu que tu ne la révèleras à personne. » Le rabbin réfléchit une seconde, puis il jure solennellement.

Le samedi suivant, il monte sur l’estrade et, à haute voix, lit la formule à tous les fidèles.
Pourquoi ? Parce qu’il pense que c’est un moins grand péché de se parjurer que de garder pour soi un secret pareil.
Quand on a accès à un savoir qui peut soulager ou libérer les autres, on n’a que deux choix possibles :
Ou bien on veut garder le pouvoir, et on se tait.
Ou bien on partage.

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